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Rémi Hussenot : “On peut dire que tout est une affaire d’humain”

© Aurore Vartanian

Rémi Hussenot est le directeur du cinéma indépendant d’Art et Essai, Alain Resnais, à Clermont-l’Hérault. Il nous fait découvrir ici son métier et la personnalité de son cinéma reconnu. 

Comment travaillez-vous votre programmation ?

C’est à la fois très simple et très complexe. Une programmation doit donner la personnalité de la salle de cinéma, c’est là qu’on rentre dans le subtil. La programmation montre le type de cinéma qu’on souhaite défendre et définit le type de salle de cinéma qu’on veut être. Par exemple, on ne fait pas la même programmation au moment des vacances scolaires, où l’on passera plus de films pour enfants et moins de films Art et Essai. On a aussi une période différente entre les films de l’été et ceux de l’hiver. Techniquement, comme nous faisons partie des petites salles indépendantes, on ne peut pas négocier avec les grands producteurs. On passe donc par une société intermédiaire et on travaille avec un programmateur. C’est à ce programmateur que le distributeur va vendre ses films. Je reste maître de ma programmation, il se contente de faire la négociation.

Que représente pour votre travail les festivals de cinéma, comme le Festival de Cannes ?

Le temps idéal pour les films sont les festivals de cinéma en général, comme le Festival de Cannes, les Rencontres du Sud à Avignon et tant d’autres tout au long de l’année. Tous ces festivals sont extrêmement importants pour nous. Cannes, c’est l’apothéose de l’année. On va à Cannes uniquement pour voir les films et se donner une idée pour l’année suivante. Cela nous offre aussi une vision des prochains mois, de la tendance pour les sorties à venir. Les festivals nous permettent de préparer les animations qui peuvent être mises en place pour certaines séances, comme la venue de certains réalisateurs ou la présence d’acteurs. Plus on voit les films tôt, mieux c’est.

© Aurore Vartanian

Je me souviens que votre cinéma projetait encore des films en bobine. Comment avez-vous vécu le passage au numérique ?

Au début, c’était un gros investissement pour les cinémas. On connaissait la 3D depuis un moment mais ce n’était pas si intéressant pour nous. Puis, il y a eu Avatar. C’est le seul film jamais sorti à faire plus d’entrées en 3D qu’en 2D. Il a donc fallu se mettre au numérique. Évidemment, les grands groupes ont été les premiers à s’équiper. Parmi les petits cinémas, le cinéma Alain Resnais a été le premier à être équipé. Cela a été très violent, surtout pour tous les projectionnistes, c’était un crève-cœur d’arrêter la bobine. C’est vrai que toute la manipulation de la bobine était agréable. On aimait ça, faire le montage et le démontage. C’est tout le métier de projectionniste qui a disparu, ainsi qu’un emblème du cinéma. Aujourd’hui, on travaille sur des fichiers numériques, c’est beaucoup moins glamour.

En janvier, vous avez fait le lancement du Cinéma Itinérant. Pouvez-vous nous expliquer le projet ?

C’est un modèle de projection de films qui existe depuis très longtemps et qui tourne dans la France entière. La salle de cinéma, c’est un lieu prestigieux qui coûte cher. Il y a beaucoup de villes qui n’ont pas les moyens d’avoir une salle et de la faire fonctionner. Alors, il y a les circuits itinérants qui se proposent de venir ponctuellement. C’est comme la troisième roue du carrosse, mais qui reste très importante. J’ai toujours travaillé dans un cinéma fixe, je connais les contraintes de l’itinérant et personnellement, ce n’est pas ce que j’avais envie de faire. Comme nous avions des demandes, des villes qui étaient intéressées, nous avions fait un essai une année. Cela avait plutôt bien marché mais je n’ai pas donné suite car se lancer dans du long terme demande plus d’investissement. Pour que le projet renaisse, il a suffi d’une rencontre. Cette personne s’installait dans la région et voulait créer un circuit d’itinérance. Je lui ai proposé qu’on s’associe pour le projet. C’est en grande partie avec cette rencontre qu’on a pu se lancer dans l’aventure. C’est un beau projet, on peut dire que tout est une affaire d’humain. Dans notre cinéma il n’y a qu’une salle, l’itinérance nous a apporté notre seconde salle.

© Aurore Vartanian

Est-ce important pour vous de faire vivre les salles de cinéma en créant une interaction avec votre public ?

Oui, c’est extrêmement important. Ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus rentable car les gens partent souvent pendant le générique, ils ne restent pas. Puis ils ne viennent pas forcément car on a un débat ou un invité, ils veulent juste voir le film. Il y en a quelques-uns qui viennent pour ça évidemment mais ce n’est pas une majorité. C’est aussi une façon de montrer qu’on a une salle active, c’est en faisant des animations qu’on peut avoir des articles dans la presse. Même si les gens ne viennent pas, ils en entendent parler. Le fait de montrer qu’on est un cinéma vivant est important. Cela est aussi dû au fait que les cinémas classés Art et Essai ont le droit à une subvention. Elle permet aux cinémas classés d’aider véritablement les films Art et Essai, de les accompagner, les mettre en valeur et surtout leur donner de l’importance. Je pense que c’est particulièrement important pour les petits films dont on parle peu dans les médias.

Pouvez-vous nous parler de votre édito, reconnu dans la région ?

Je suis salarié d’une association donc je ne suis pas le propriétaire du cinéma et comme j’ai toujours eu une grande liberté et que j’ai toujours pris une grande liberté également, je me suis permis de créer un édito particulier. C’est vrai qu’il est emblématique du cinéma Alain Resnais, il est aussi très personnel. L’écriture, c’est une chose que j’aime bien mais je ne me sens pas du tout doué pour ça. En revanche, je sais que j’ai un style et un peu d’humour. Ici, l’édito fait partie de la personnalité de la salle. C’est quelque chose qui est devenu spécifique au cinéma, qui plaît à beaucoup de monde. On peut dire que c’est une des raisons du succès du cinéma Alain Resnais, c’est clair.

Retrouvez les éditos de Rémi Hussenot ici.

Propos recueillis par Pauline Chabert

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